La route Amiens

La vagabonde avait fini par passer l'enceinte de la ville afin de tenter de trouver paix et tranquillité...
La cité vivait en véritable effervescence alors qu'elle n'aspirait qu'au repos et a la douceur.
C'est donc baguenaudant sur les chemins, à la recherche d'un abri de fortune qu'elle laissait libre court à ses pensées... Moins moroses semble t'il au sourire sensible qu'elle affiche sous cape...
Le vent ne cessait depuis plusieurs jours mais il semblait devenir moins brutal, comme si le fond de l'air décidait que finalement cet hiver rude pourrait enfin laisser place à des températures plus clémentes. Cependant la force de houle la contraignait à s'aider de ses mains pour conserver tête encapuchonnée.

Au hasard d'un détour, une grange modeste fait son apparition sous la lumière flechissante.
La brune se dirige vers l'embrasure, pousse la porte avec délicatesse, curieuse de découvrir l'intérieur.
Elle sourit franchement apercevant un cheptel d'à peine quelques têtes laineuses voisinant un bon tas de foin.

"Voila qui est parfait... J'aurais presque l'impression d'être à la maison..."

Elle plaisante intérieurement avant de déposer son fatras près des bêtes sur le talus aguichant.

"Bien le bonjour à vous, braves compagnon de nuitée!" Mots clamés avec espièglerie et enthousiasme à l'idée de passer enfin une nuit au chaud et au confort de la paille.
Une dernière pensée pour un soi disant bêlant qui ne devait bêler du bon accent car ne se trouvant point dans la bergerie, elle se jette sur la paillasse de fortune, s'emmitoufle des herbes sèches avant de fermer les yeux de bien être et de contentement.

"Shuttttt... Tais toi donc l'ami. Nous parlerons demain, pour l'heure il me faut dormir, ces ripailles ont fini de me fatiguer l'esprit... Dors bien..." Une caresse légère à l'animal à sa proximité avant de partir retrouver ce très cher Morphée, toujours de si bon accueil...

La gamine s’était bien vite endormie d’un sommeil agité des vapeurs d’un alcool dont elle n’avait nullement pris habitude de tant d’abondance….
Moult rebonds et rêves furibonds finirent par l’éveiller d’un sursaut chaotique.

C’est d’un bout de chandelle qu’elle se rassure de blafarde luminosité, errant encore entre rêve et réalité.

Pensées toujours vagabondes bien que les instant passés en charmante compagnie tantôt n’avaient finalement pas eu raison de l’humeur bien chagrine parfois de cette enfant grandie trop tôt.

Elle se remémore les images sordides qui l’on éveillée se questionnant encore et toujours sur le pourquoi du comment.
Un sourde angoisse l’habite encore, ne sachant la définir réellement elle avait fini par adopter celle-ci au titre de compagne fidèle.

Voila tant de chemin parcouru, tant de lieues à vouloir fuir et oublier, mais ces contrées sont toute aussi sauvages si ce n’est plus…
L’incompréhension domine la réflexion. Mais ne se bât-on pas toujours pour les mêmes raisons ?

"Telle la mer contre les durs rivages, à la tuerie ils iront se ruer. Ivres et haletants, par les flèches troués, en tourbillons plein de clameurs sauvages.

Sous un frêle soleil encore intimidé, de l'aube au soir, fauchant les blés, brisant les vignes, des murs d'hommes iront pousser leurs sombres lignes et par blocs entiers, ils iront se laisser choir.
Puis ils se lieront en étreintes féroces, le souffle au souffle uni, l'œil chargé de haine. Le fer d'un sang fiévreux sera gorgé, la cervelle jaillira sous la lourdeur des crosses.

Victorieux, vaincus, fantassins, cavaliers, les voici, maintenant, blêmes, muets farouches, les poings fermés serrant les dents, et les yeux lourds, dans la mort ils s’étendront par milliers.

La pluie lavera leurs pâles faces, par la morne plaine ou tourne un vol d'oiseaux le ciel d'un soir sinistre estompera leurs masses…Tous les cris se tairont, les râles poussés sur le sol bossué de tant de chair humaine, aux dernières lueurs du jour on verra à peine se tordre vaguement des corps entrelacés…
Et au milieu de ce massacre immense, dressant son cou percé de coups, un cheval pourrait jeter au vent un rauque et triste adieu que la nuit ferait courir à travers le silence.

Boucherie! Soif du meurtre! Acharnement horrible! Odeur des morts qui suffoquent! Soyez maudits devant ces mille cadavres et la stupide horreur de cet acharnement.

Mais, sous le blafard soleil, sur la plaine noire, heurtant de leur cœur la fureur de l’arbaleste, ils seront morts, Liberté, ces braves en ton nom, maudit soit le sang qui fume vers ta gloire!"

L’œil humide des funestes images qui jaillissent à ses yeux encore plus sombres, la gueuse se recroqueville dans la paille, tenant serre agneau d’une main et fiole d’alcool de l’autre…
Sortir, partir vaille que vaille de la cruauté de ce monde… Oublier ces images qui la rongent, fermer les yeux, et seulement ne plus penser… ne plus songer… Mais chavirer lentement vers un sommeil trépané, apraxique…

[hrp]Ce RP est pour l’instant cloisonné, mais sera bientôt ouvert à tous, sous condition de cohérence bien entendu. Merci [/hrp]

Cela fait plusieurs jours que la vagabonde se terre à Amiens et qu’on la voit peu dans la cite. N’ayant pas d’obligations, elle ne s’y rend que par extrême nécessité.

Partir au loin… Fuir la charge étouffante de ses fiançailles avant que le pourceau s’accapare de son existence en totalité. Fuir ce monde dans lequel elle ne se sentait plus à sa place… Fuir ce vide… Réapprendre l’envie… les joies simples de la vie…et le sourire. Retrouver un peu de légèreté, et le sens du terme.
Ce périple lui a fait le plus grand bien, elle le sait. Mais il est long et peut être sans fin, un malheur était si vite arrivé…

Elle s’ést promis de s’accorder un peu de temps pour elle. Cela fait bien longtemps qu’elle ne s’est rendue sur le marché. Cela tombe bien, il y avait cette histoire d’épousailles royales qui amenait nombre de badauds et donc nombre de marchands en tout genre, bien davantage qu’a l’ordinaire. Mais plus que tout elle souhaite troquer ses atours trop féminins pour des braies et autres linges bien plus en adéquation avec sa nouvelle condition de besogneuse acharnée.

La gueuse a quitté la bergerie depuis longtemps maintenant et la fragile va-nu-pieds est plongée dans ses pensées lorsque tout bascule…Elle est violemment projetée sur le sol: les chevaux d’un attelage l’avaient propulsée avec violence et force de jurons qui recouvrent à moitié les vociférations des équidés.

"Mais estes vous déments ? Surgir ainsi en bordure de la chaussée… Faites place, manants ! Savez-vous au moins ce que vous faites ? "

"Oui on sait, va. Bien pour ça qu’on est là, la belle…"

Courroucée, elle se dispose à vilipender énergiquement les marauds mais se ravise et se recule le plus qu’elle peut devant la mine mauvaise de ces deux faciès qui lui sont pourtant absolument inconnus.

Bonjour Votre Seigneurie, dit poliment un homme aux cheveux gris. Permettez-moi de vous tenir escorte jusqu’au terme de votre promenade…

L’homme qui l’accompagne a l’air moins raffiné et l’impression se confirme sitôt qu’il ouvre la bouche après avoir toisé la jouvencelle :

Hmmm… Pas tout à fait mon genre mais on s’en contentera, commente-t-il, la face illuminé par la lubricité.

Roxhanne tente de garder une certaine contenance mais à la simple pensée de ce que pourraient lui faire subir ses deux assaillants, son cœur s’était met à cogner si fort dans sa poitrine que cela en devient douloureux ; elle sent l’angoisse l’étreindre. Le premier des deux brigands, celui qui a la crinière presque blanche, stoppe net les ardeurs du fruste.

Couché, le Kram! Garde tes pensées de débauché dans tes braies à moins que tu ne veuilles que je te change en eunuque. Nous nous sommes engagés à la porter en vie, entière et intacte. Elle ne lui servirait plus à rien si elle était souillée, c’est ce qu’il a dit. Je suis peut-être un mercenaire, Kram, mais j’ai un certain sens de l’honneur, contrairement à toi. Va plutôt dissimuler les empreintes et fais nous partir au plus vite. On n’a pas la journée devant nous, je te rappelle.

Le dénommé Kram baisse les yeux et maugrée dans sa barbe. Le soulagement ne sera que de courte durée et somme toute bien relatif pour Roxhanne. Si elle semble assurée de garder sa vertu, pour l’instant, elle est tout de même en fort mauvaise posture. Elle se redresse, bien droite et lève ses yeux ténébreux vers ceux de l’homme aux cheveux gris. Il n’y avait dans le regard de la vagabonde ni peur, ni colère, juste une politesse froide et convenue. Tenir son rang, quelles que soient les contingences, voilà tout ce qu’on l’avait éduquée à faire. Elle attend, silencieuse.

Veuillez me pardonner Votre Seigneurie, je me montre décidément presque aussi grossier que mon partenaire : je ne me suis pas encore présenté, dit-il dans un sourire écœurant d’hypocrisie. Je me nomme Dugueulhan et ceci est, je pense que vous l’avez deviné, un rapt pur et simple.

Laissez-moi deviner, dit posément la brune, il n’y a rien de personnel dans tout ceci, vous faites purement ce pour quoi on vous rétribue ?

Son interlocuteur la fixe quelques instants puis réplique en riant, un air toujours aussi faux sur la face. [[color=#004080]/color]Vous êtes d’une grande sagacité, Damoiselle. Toute à la hauteur de votre notoriété.

Et si c’est une pure question d’argent, peut-être pourrions-nous nous accommoder entre personnes de bonne compagnie, tente la captive.

Hélas pour vous, toutes aussi riches que puissent être les terres dont vous êtes issue, je crains que vous ne puissiez concurrencer avec l’offre que notre commanditaire nous a faite. Je ne vous dis pas combien, c’est indécent... Et comme je l’ai dit tout à l’heure, je suis un mercenaire d’honneur.
La somme qu’il lui souffle à l’oreille lui fait écarquiller les yeux à tel point qu’elle crut qu’ils allaient lui sortir des orbites. Il la haïssait donc à ce point ? Les revenus des terres de sa famille ne suffiraient pas à payer le quart de leur récompense. Il lui aurait bien fallu au moins deux ou trois duchés pour espérer détourner ses ravisseurs de leur objectif. Aussi, si la négociation a échouée, il reste la tromperie et l’intimidation. La jouvencelle n’a foi à employer cette sorte de procédé mais en l’occurrence elle n’a guère le choix.

Vous savez, votre entreprise est risquée. Je ne suis pas n’importe qui… Nombreuse sera l'armée qui partira à vos trousses Sieur Dugueulhan.

Kram PNJ

D’ordinaire, les otages hurlent, pleurent, se débattent, sans une once de dignité. Là, c’est bien différent : ce minuscule bout de femme lutte pour ne rien laisser paraître de sa peur et sauver les apparences envers et contre tous. Elle l’horripile autant qu’elle le fascine : ce qu’elle fait est si vain et quelque part assez hypocrite.

Leur conversation l’a beaucoup amusé : cette enfant était censée et n’a pas froid aux yeux. Sa dernière phrase l’a surpris.

Citation :: Vous savez, votre entreprise est risquée. Je ne suis pas n’importe qui …Nombreuse sera l'armée qui partira à vos trousses Sieur Dugueulhan.

Dugueulhan éclate de rire tandis que l’attelage prend la route à vive allure. La tentative de feinte est subtile, réellement vaniteuse et parfaitement inutile ; Dugueulhan sait parfaitement ce qu’il fait il préparait son coup depuis de nombreuses semaines .Il est parfaitement au fait de la disparition volontaire de cette petite et que donc personne ne songera à la rechercher plus avant. Nul ne la connait en ces contrées lointaines.

Je sais qui vous êtes et vous me plaisez bien finalement, Damoiselle Roxhanne, vicomtesse et future dame du gouverneur du duché d’Aragon

En voyant le visage de la femme face à lui se décomposer et blanchir d’effroi, il se met à rire de plus belle.

Bien essayé mais de grâce, ne nous prenez pas pour des amateurs… Tout a été pensé dans le moindre détail, voyez-vous. L’Aragonais est loin et ici-bas, ces gens ne savent qui vous êtes et ne vous connaissent pas plus que le jour de votre arrivée. Vos proches et vos gens attendent de vos nouvelles et votre revenue mais point avant deux bonnes semaines. D’ailleurs, s’en soucient-t-ils vraiment ? Il faudra des jours voire des semaines avant que l’on ne comprenne votre disparition. Personne ne vous attend nulle part… Et une fois que vous serez portée disparue, qui aura le courage et l’envie de partir vainement à la recherche d’une gueuse dont seuls quelques culs-terreux se souviennent du visage ? L’armée de votre duché vient juste de partir au front, l’autre partie assure la sécurité du territoire. Je crains que vous n’ayez pas assez de valeur pour que les autorités locales se soucient à ce point de votre sort et envoient une armée ni même quelques hommes à votre rescousse.

Le regard de Martel s’est enflammé, un rictus sadique déforme sa face à mesure qu’il enfonce sa victime dans les tréfonds du désespoir : on eut dit un vrai démon. La vicomtesse semble avoir pris un coup de massue sur la tête. Pour certains, c’est le pillage, pour d’autres le viol, pour d’autres encore le meurtre ; mais pour Dugueulhan, c’est torturer l’esprit et le corps de ses victimes qu’il adore par-dessus tout et ce soir, l’expérience est jouissive.

La voiture file à vive allure sur cette petite route du Vermandois, trainant avec elle, le rire sardonique de Dugueulhan.

La route Amiens Bankramdukonqh0

[Sur les routes du Vermandois (pour l'instant...), en chemin vers on-ne-sait-où]

Roxhanne reçoit la tirade de Dugueulhan de plein fouet. Les mots et le regard de cet homme étaient si sûrs... si durs aussi. Son ravisseur passe en revue toutes les personnes qui auraient pu naguère partir à son secours, mais ce temps-là est, semble-t-il, révolu. Il le fait avec tant d’aplomb qu’elle sent le piège se refermer sur elle.

Je crains que vous n’ayez pas assez de valeur pour que les autorités locales se soucient à ce point de votre sort et envoient une armée ni même quelques hommes à votre rescousse.

La dernière phrase de Dugueulhan lui fait l’effet d’une gifle, lui exposant crûment une vérité qu’elle se cachait tant bien que mal. Elle serre les dents et les poings. Avec les conflits actuels, il ne fait pas l’ombre d’un doute que nulle âme ne s’élancera à sa poursuite. Et le peu dont l’amitié lui était restée fidèle se trouvent désormais bien loin. Et pour ceux qui étaient restés au pays, les temps étaient bien trop durs pour se permettre de quitter les champs pour partir à l’aventure à la recherche de celle qui n’est désormais plus que l’ombre d’une grandeur passée. Ces derniers temps, elle a abandonné Aragon et son duché : Qu’ils l’abandonnent en retour lui parait évident. C'est sans doute mieux, cela évitera à tous ces gens de partir, en ces temps difficiles, pour poursuivre des chimères.

Comme l'on fait son lit, l'on se couche. La frêle enfant se fait l’effet d’avoir creusé sa propre tombe.

L’angoisse l’étreint. Elle ferme les yeux. Dugueulhan l’a plongée dans un abîme qu’il pense sans fond. Or il subsiste dans toute cette noirceur une lueur d’espoir à laquelle Roxhanne se raccroche maintenant de toutes ses forces. Une lueur bien faible mais il fallait y croire.

Telle une naufragée plongée au cœur de la tempête, elle s’agrippe de toutes ses forces à l’espoir fou qu’une personne dont elle ne pouvait présumer ne serait-ce que l’existence, abandonnerait charges et responsabilités pour partir à sa recherche. Peut-être découvrirait-on les traces que l’attaque de cet attelage avait laissées derrière elle. Peut-être trouverait-on alors quelques pistes insensées qui mèneraient sur ses traces.

La nobliaute s’adosse d’un air las et résigné sur la banquette. Elle tire légèrement les rideaux pour contempler le paysage, sous l’œil vigilant de son geôlier. La voiture file bon train sur des routes qu’elle ne connait pas, dans une direction qui lui est inconnue, vers une personne dont elle connaît tout aussi bien l’identité que la haine farouche qu’elle lui porte.

L’attelage semble aller de plus en plus vite. Chaque tour de roue l’éloigne un peu plus de cette petite bergerie, de son petit univers, Chaque coup de sabot sur la route la précipite un peu plus vers l’inconnu et l’oubli.

La vicomtesse était morte, la gosse vient de disparaître…

» La cathedrale d'Amiens