[RP] Un marin a terre

Lorca






La veille dans l'après midi, il avait quitté Bazas et ses tavernes enjouées pour se diriger vers la Gascogne. Son sac à l'épaule, son bâton de marche solidement ancré dans sa main droite, l'homme boitait d'un bon pas, un pied bot l'empêchant d'aller plus vite, tandis que la bosse qu'il portait sur son dos le faisait souffrir, plus moralement que physiquement d'ailleurs. Il était tout de bleu vêtu, car il chérissait cette couleur qui était celle de son élément naturel, l'eau.

Et de l'eau, il n'en trouva guère. Après les collines de Bazas, il fut bientôt en vue de la célèbre forêt de Gascogne, forêt qui trouvait son apogée à labrit, sa destination de la journée. Réprimant avec peine un sourire, il se lança sur le chemin, guère plus qu'un sentier parfois, qui serpentait entre les arbres, lesquels cachait le soleil de leurs hautes ramures verdoyantes.

Malgré tout, et même si le clapotis de l'eau contre les rochers ou le cri aigu des mouettes tournant autour de sa barque lui manquait, le voyageur ne manquait pas de trouver une certaine forme de sérénité dans le doux bruissement des buissons agitées par le vent, ou encore dans les bruits de course des animaux sylvestres dérangées par le claquement de son bâton contre les pierres du chemin. La monotonie du chemin, tâches vertes succédant à d'autres tâches vertes, longs futs de bois tous semblables, finit par l'assoupir, et ce fut machinalement qu'il continua à avancer, mu par un instinct anormal, celui du pêcheur qui par habitude esquive les traitres récifs et étend cette perception de son environnement aux écueils d'écorce et de sève qui se mettent en travers de son chemin.

Ce fut le bruit de l'eau heurtant la pierre qui le réveilla. ses pas l'avaient conduits jusqu'à une source, d'où partait un petit ruisseau. Souriant, il se mit à le suivre, se disant en son for intérieur que la route n'étant pas loin, les chances que ce ru le mène jusqu'à labrit n'étaient pas négligeables. Au bout de quelques kilomètres, le cours d'eau s'était élargi, son débit accéléré, sa profondeur accru. Il aurait presque été navigable dans des conditions normales, ce que constatant, notre homme assembla rapidement quelques grosses branches avec une corde à noeud qu'il gardait sur lui, retroussa ses braies, et se hissa sur le frêle esquif. S'aidant de ses jambes, il se lança dans le courant et se laissa porter. Il constata vite qu'il ne s'était pas trompé, le cours d'eau coupait souvent la route menant à Labrit, ou du moins lui était plus ou moins parallèle. c'est ce qui le sauva.

En effet, en contournant le chemin, il aperçut, embusqués derrière un bouquet d'aubépines, trois brigands, prêts à se jeter sur le malheureux voyageur inconscient. Il aurait pu les éviter facilement, son embarcation ne faisant guère de bruit et passant assez loin d'eux pour qu'ils ne se rendent pas compte de sa présence. Mais le marin avait de l'honneur et avait auparavant officié dans la justice, il ne pouvait supporter l'idée de les voir continuer leurs crimes impunément.

Aussi, de sa besace, il sortit un bout de métal, en fait un fer de harpon, dentelé pour accroître les dégâts, dont il se servait pour pêcher quand il était en mer, pour se défendre lorsqu'il voyageait. Il enfila le fer sur son bâton, vérifia l'équilibre du projectile, et après avoir estimé la distance, le propulsa. Sans un bruit, le harpon fendit l'air et se planta entre les omoplates d'un des bandits. Après un cri inarticulé, au cours duquel il cracha du sang, le bandit s'effondra, déjà mort. Sautant sur leurs pieds, ses camarades s'écartèrent rapidement, brandissant déjà leurs épées, se demandant où était l'inconscient qui venait de commencer les hostilités. Il leur fallut quelques instants pour apercevoir le voyageur, qui venait de mettre pied à terre. Il leur sourit tout en dégainant un coutelas, une arme de mêlée à large lame, de sa ceinture. Alors que les deux hommes fondaient sur lui, il roula à terre, passa entre eux, et, pivotant sur un talon, fit jaillir sa lame qui tailla les tendons d'un des bandits, lequel s'effondra en hurlant, incapable de se relever. L'autre, surpris par la vivacité de son adversaire, perdit du temps à se retourner. Un délai mis à profit par l'autre pour récupérer son harpon. Le marin prit son arme d'une main, placée près du fer. Ainsi empoignée, elle ne pouvait plus être lancée mais devenait une arme d'estoc redoutable. Ainsi, après quelques passes d'armes, le dernier bandit connut l'affreuse sensation d'une arme lui fouaillant les entrailles, ses dents, arrachant la chair de tous côtés et augmentant la douleur d'une blessure de toute façon mortelle.

Il ne restait que le deuxième bandit, celui aux tendons coupés. Le voyageur estima qu'il n'était plus une menace pour quiconque, d'autant que la douleur l'avait fait s'évanouir. Pris de pitié, il l'adossa au tronc d'un arbre, arrêta l'hémorragie et lui donna un peu d'eau. Puis, se servant de son harpon comme d'une pelle rudimentaire, il donna une sépulture décente à ses deux adversaires, leur accordant même une petite prière en guise de messe, car l'homme, farouche combattant comme il venait de le montrer, avait aussi des lettres et une éducation religieuse poussée. Puis, après quelques instants de méditation sur les deux tombes et un dernier regard pour le survivant infirme, il se remit en route, se promettant d'avertir les autorités, même si, à n'en pas douter, un autre voyageur découvrirait rapidement le blessé.

Surpris, il se rendit compte qu'il n'était à guère plus de une lieue et demie de Labrit, ce qu'il vit lorsque des bornes de pierre disposées régulièrement lui apprirent qu'il approchait de la seigneurie d'Albret. Cette information lui redonna des forces, et c'est d'un pas plus vif qu'il repartit, avalant la distance en un peu plus d'une heure. D'autant que le soleil venait de se coucher et que la nuit s'annonçait froide et sombre, aussi ne traina t-il pas en route. Et enfin, les portes de la cité forestière apparurent à ses yeux fatigués. Il franchit les derniers mètres en criant, alors que les gardes étaient en train de manoeuvrer la porte afin de la clore pour la nuit. Ils furent assez aimables pour attendre le pauvre hère couvert de poussière, plutôt que de le laisser dehors pour la nuit. Il les remercia d'un sourire et d'une bénédiction aristotélicienne, avant de se diriger vers le centre du village, soulagé car le sol était de terre battue et non pavé, ce qui évitait à son pied bot de se prendre dans les interstices entre les blocs de pierre.

Il atteignit la fontaine au centre du village et entreprit de se rafraichir le visage et les mains. Autour de lui, les habitants de la ville le dévisageaient avec une curiosité teintée d'une certaine hostilité. Car si les voyageurs étaient plutôt bien accueillis, il n'en était pas forcément de même pour les infirmes dans son genre. Il ignora les regards plein de sous-entendus, franchit le rideau de la foule et trottina de son mieux vers une des auberges, que l'on devinait de loin grâce à son agitation et au flamboiement des torches à travers l'embrasure de la porte. A l'entrée, un habitant voulut l'empêcher de passer, il lui montra son harpon, encore enfilé à l'extrémité de son bâton, et son vis-à-vis, devenu pâle, s'écarta vivement de son passage. Enfin, Lorca put pénétrer dans l'enceinte accueillante d'une auberge, il se laissa tomber sur une chaise, attendant que le tavernier s'intéresse à lui, alors même que les habitués se retournaient vers lui, se demandant qui il était et par quel droit il osait venir ici.


Maître pêcheur de Guyenne
Avocat au barreau de Guyenne

Lorca


Un remous dans la salle, quelqu'un se tourne vers lui, gronde du regard les autres habitués et lui adresse la parole. L'esprit du pêcheur s'abime dans un vortex temporel. Cette voix, ce timbre si particulier, il y a ...oh, au moins 1 migration de cabillaud de ça...ah ça revient, ça gratte la coquille de son cerveau, une voyageuse dans une taverne, à la Teste, après une dure journée de pêche, enfin toutes les journées sont dures quand il faut pêcher et gérer le port après. L'homme releva la tête.


Hmmm, attendez lacap, lacapri, votre nom est un truc comme ça ? Je suis plus très sur de m'en souvenir voyez vous, ça doit faire longtemps.



Il sourit, fugitivement, il ne se rappelle plus les sentiments de la dame à son égard. La méfiance est là, sournoise, dissimulatrice, tentatrice même. Oh oui, s'y réfugier, se vautrer dans la méfiance et la peur, ce serait un soulagement pense-t-il, mais il ne peut pas, pas lui, sinon où irait le monde.


Je vais bien oui, enfin aussi bien qu'on puisse aller après une longue marche à travers une forêt aride et une rencontre inopinée après quelques adeptes de la religion du voyageur maigre si vous voyez ce que je veux dire.




Maître pêcheur de Guyenne
Avocat au barreau de Guyenne

Citation :

Je vais bien oui, enfin aussi bien qu'on puisse aller après une longue marche à travers une forêt aride et une rencontre inopinée après quelques adeptes de la religion du voyageur maigre si vous voyez ce que je veux dire.

Caprie éclate d'un rire clair.

"Je vois bien oui, ce dont vous parlez, messire Lorca..."

Se dire que décidément ils ne seront jamais du même bord, se rappeler d'éviter sur les routes de le croiser...

"Ça me fait plaisir de vous revoir...
Caprie... Mon nom est Caprie...
Me je ne peux vous en tenir rigueur, notre rencontre est si lointaine...
Il y avait Vatyas aussi a l'époque...
Vous souvenez-vous?
Et la mise a sac de mon campement par des âmes bien pensantes... Mais ceci est un détail pour le mieux pittoresque...
Que venez vous donc faire si loin de la mer Lorca?
Voila qui est pour le moins étonnant de votre part..."

Elle lui sourit affable et commande a boire pour tous les deux au tavernier ainsi qu'un deuxième repas, car le "maitre des lieux" feint de ne pas voir le messire. Elle jette un regard noir a celui ci comptant bien arriver a se faire servir d'une façon ou d'une autre, quitte a employer à l'encontre le gueux embousé des moyens plus radicaux.
Son expression doit être assez evidente car celui-ci fini par cesser de trainer les pieds...

"Alors racontez moi tout, vous souvenez-vous que je suis curieuse?
Je veux tout savoir!"

Caprie lui sourit grandement en pinaillant toujours avec sa nourriture et le regarde attentive

Lorca

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Vatyas, oui....

La révélation de caprie le secoua comme un grain un peu violent renverserait sa barque. Leur rencontre remontait donc à l'époque de Vatyas, son ami, l'un des seuls qu'il ait jamais eu en ce monde, et qu'il avait perdu, hélas.

Je dois vous dire, Vatyas est mort, il a été accusé de sorcellerie et a fini sur un bucher. lorsque j ai vu les bourreaux empiler les buches, j ai même eu envie de brûler une forêt pour que cela n'arrive plus. Mais je vous remets maintenant, ca fait effectivement très longtemps que nous nous sommes rencontrés puisque vatyas n est plus de ce monde depuis plus de trois longs mois.

Lorca réprima un soupir, tandis qu'un sanglot s étouffait dans sa gorge obstinément close. A ce moment là, le tavernier arriva et lui tendit une chope qu'il n'avait même pas commandée. Le pêcheur la prit avec un sourire de reconnaissance et trempa ses lèvres déssechées par le voyage dans la mousse onctueuse qui couronnait la bière.

Je suis ici pour affaires, je n'en dirais guère plus, mais sachant que je suis maitre pêcheur de guyenne et que la gascogne est riche en poissons, on peut aisément deviner une partie de mes intentions...
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Maître pêcheur de Guyenne
Avocat au barreau de Guyenne

Citation :

Je dois vous dire, Vatyas est mort, il a été accusé de sorcellerie et a fini sur un bucher.

"Je suis au fait, messire Lorca.
Une âme charitable bien qu'anonyme, m'en a fait part par pigeon.
Mais je suppose que seule l'intention compte..."

Ne rien laisser percevoir du nœud qui noue la gorge, chasser au plus vite le souvenir de la douleur ressentie, passer d'autres souvenirs...

"J'avoue m'échiner a vouloir me souvenir de lui comme l'adorable malotru qu'il fut avec moi plutôt que tout autre compassion maladroite.
Pour moi il est toujours la.
C'est ainsi.
Je refuse de le pleurer, je préfère le sourire encore, à son hommage.
Qui s'occupe maintenant des latrines?"

Caprie rit doucement,rire un peu forcé, mais ça va passer... Une bonne gorgée et plus rien n'y paraitra.
Elle sourit a Lorca avant d'enchainer:

"Je ne veux nullement être impolie mais je vais devoir me sauver.
Bon nombre d'affichages m'attendent encore, et je dois de plus rentrer a Mimizan.
Si vous y passer, messire, n'hésitez pas a me faire parvenir un pigeon, je serais ravie de vous accompagner en taverne quelques instants.
Je ne vous propose pas de vous présenter au village car je n'y connais que peu de monde, ma vie sociale est réduite a son minimum actuellement.
Ceci étant ce sera un plaisir que de vous revoir..."

Elle se lève alors délicatement, se chargeant de sa besace et réajustant la ceinture soutenant ses diverses armes.
Elle sourit affable.

"AuX plaisirS messire lorca, et portez-vous bien."

Caprie se dirige vers la porte enjoignant au passage le tavernier à resservir a boire prestement a son acolyte et lui jette quelques pièces.

Sortir au plus vite de cet endroit devenu subitement étouffant, chasser le voile de tristesse qui veut avec force recouvrir son regard, chevaucher au plus vite, respirer, d'amnésie tenter de se souler...

[HRP] Navree pour ce retard j'espere ne pas avoir bloqué le RP